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c’est tout au plus s’il prit le temps de la réflexion. Il trouva ma rédaction trop sentimentale et la changea.

« Il n’est pas question de soutenir la foi chancelante par des homélies, me dit-il ; les hommes ne donnent pas tant de part à l’idéal. C’est par l’indignation et la colère qu’on les ranime. Je veux attaquer violemment la pairie pour exalter les accusés ; je veux d’ailleurs mettre en cause tout le barreau républicain. »

Je lui fis observer que le barreau républicain signerait ma rédaction et reculerait devant la sienne.

« Il faudra bien que tous signent, répondit-il, et s’ils ne le font pas, on se passera d’eux. »

On se passa du grand nombre, en effet, et ce fut une grande faute que de provoquer les défections. Toutes n’étaient pas si coupables qu’elles le parurent à Éverard. Certains hommes étaient venus là sans vouloir une révolution de fait, espérant contribuer seulement à une révolution dans les idées ne rêvant ni profit ni gloire, mais l’accomplissement d’un devoir dont toutes les conséquences ne leur avaient pas été soumises. J’en connais plusieurs qu’il me fut impossible de blâmer quand ils m’expliquèrent leurs motifs d’abstention.

On sait quelles conséquences eut la lettre. Elle fut fatale au parti en ce qu’elle y mit le désordre ; elle fut fatale à Éverard en ce sens qu’elle donna lieu à un discours très controversé