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délicatesses ; mais la logique du sentiment pur n’est pas suffisante en politique, et tu demandes un impossible accord parfait entre les nécessités de l’action et les élans de la sensibilité. C’est là l’idéal, mais il est encore irréalisable sur la terre, et tu en conclus qu’il faut se croiser les bras en attendant qu’il arrive de lui-même.

« Croise donc tes bras et va-t’en ! Certes, tu es libre de fait ; mais ta conscience ne le serait pas si elle se connaissait bien elle-même. Je n’ai pas le droit de te demander ton affection. J’ai voulu te donner la mienne. Tant pis pour moi ; tu ne me l’avais pas demandée, tu n’en avais pas besoin. Je ne te parlerai donc pas de moi, mais de toi-même, et de quelque chose de plus important que toi-même, le devoir.

« Tu rêves une liberté de l’individu qui ne peut se concilier avec le devoir général. Tu as beaucoup travaillé à conquérir cette liberté pour toi-même. Tu l’as perdue dans l’abandon du cœur à des affections terrestres qui ne t’ont pas satisfait, et à présent tu te reprends toi-même dans une vie d’austérité que j’approuve et que j’aime, mais dont tu étends à tort l’application à tous les actes de ta volonté et de ton intelligence. Tu te dis que ta personne t’appartient et qu’il en est ainsi de ton âme. Eh bien ! voilà un sophisme pire que tous ceux que tu me reproches et plus dangereux, puisque tu es maître d’en faire la loi de ta propre vie, tandis que les miens