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d’action, je ne peux pas te convaincre ; aussi je ne te parle que pour te prouver mon droit de me retirer de cette mêlée où je ne peux porter aucune lumière, et où je ne peux pas suivre la tienne, qui est encore enveloppée de nuages impénétrables. »

Quand j’eus tout dit, Éverard, qui s’était calmé à grand’peine pour tout entendre, reprit son énergie et sa conviction. Il me donna des raisons devant lesquelles je me sentis vaincue, et dont voici le résumé :

« Nul ne peut trouver la lumière à lui tout seul. La vérité ne se révèle plus aux penseurs retirés sur la montagne. Elle ne se révèle même plus à des cénacles détachés comme des cloîtres sur les divers sommets de la pensée. Elle s’y élucubre, et rien de plus. Pour trouver, à l’heure dite, la vérité applicable aux sociétés en travail, il faut se réunir, il faut peser toutes les opinions, il faut se communiquer les uns aux autres, discuter et se consulter, afin d’arriver tant bien que mal, à une formule qui ne peut jamais être la vérité absolue, Dieu seul la possède, mais qui est la meilleure expression possible de l’aspiration des hommes à la vérité. Voilà pourquoi j’ai la fièvre, voilà pourquoi je m’assimile avec ardeur toutes les idées qui me frappent, voilà pourquoi je parle jusqu’à m’épuiser, jusqu’à divaguer, parce que parler, c’est penser tout haut et qu’en pensant ainsi tout haut je vas plus vite qu’en pensant tout bas et tout seul. Vous autres