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de l’âme aboutir à des sophismes, et voilà justement ce que je ne voudrais pas entendre, ce que je suis fâchée d’avoir entendu. Écoute, mon pauvre père, nous sommes fous. Les gens du monde officiel, du monde positif, qui ne voient de nous que des excentricités de conduite et d’opinion, nous traitent de rêveurs. Ils ont raison, ne nous en fâchons pas. Acceptons ce dédain. Ils ne comprennent pas que nous vivions d’un désir et d’une espérance dont le but ne nous est pas personnel. Ces gens-là sont fous à leur manière ; ils sont complétement fous à nos yeux, eux qui poursuivent des biens et des plaisirs que nous ne voudrions pas toucher avec des pincettes. Tant que durera le monde, il y aura des fous occupés à regarder par terre, sans se douter qu’il y a un ciel sur leurs têtes, et des fous qui, regardant trop le ciel ne tiendront pas assez de compte de ceux qui ne voient qu’à leurs pieds. Il y a donc une sagesse qui manque à tous les hommes, une sagesse qui doit embrasser la vue de l’infini et celle du monde fini où nous sommes. Ne la demandons pas aux fous du positivisme, mais ne prétendons pas la leur donner avant de l’avoir trouvée.

« Cette sagesse-là, c’est celle dont la politique ne peut se passer. Autrement vous ferez des coups de tête et des coups de main pour aboutir à des chimères ou à des catastrophes. Je sens qu’en te parlant ainsi au milieu de ta fièvre