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mon mauvais orgueil, et tu m’as fait entrevoir un idéal de fraternité qui a fondu la glace de mon cœur. En cela, tu as été véritablement chrétien, et tu m’as convertie par le sentiment. Tu m’as fait pleurer de grosses larmes, comme au temps où je devenais dévote par un attendrissement subit et imprévu de ma rêverie. Je n’aurais pas retrouvé en moi-même, après tant d’incertitudes et de fatigues d’esprit, la source de ces larmes vivifiantes. Ton éloquence et ta persuasion ont fait le miracle que je te demandais : sois bénis pour cela, et laisse-moi partir sans regret. Laisse-moi aller réfléchir maintenant aux choses que vous cherchez ici, aux principes qui peuvent se formuler et s’appliquer aux besoins de cœur et d’esprit de tous les hommes. Et ne me dis pas que vous les avez trouvés, que tu les tiens dans ta main, cela n’est pas. Vous ne tenez rien, vous cherchez ! Tu es meilleur que moi, mais tu n’en sais pas plus que moi. »

Et comme il paraissait offensé de ma franchise, je lui dis encore :

« Tu es un véritable artiste. Tu ne vis que par le cœur et l’imagination. Ta magnifique parole est un don qui t’entraîne fatalement à la discussion. Ton esprit a besoin d’imposer à ceux qui t’écoutent avec ravissement des croyances que la raison n’a pas encore mûries. C’est là où la réalité me saisit et m’éloigne de toi. Je vois toute cette poésie du cœur, toutes ces aspirations