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Cet hommage avait été complet et sincère, mais il n’avait pas pour conséquence possible l’abandon absolu des idées, des instincts et des facultés de mon être. Après tout, nous ne nous connaissions pas entièrement l’un et l’autre, et nous n’étions peut-être pas destinés à nous comprendre, étant venus de si loin l’un vers l’autre pour discuter quelques articles de foi dont il croyait avoir la solution. Cette solution, il ne l’avait pas. Je ne pouvais pas lui en faire un reproche ; mais lui, où prenait-il la fantaisie tyrannique de s’irriter de ma résistance à ses théories comme d’un tort envers lui-même ?

« En m’entendant te parler comme un élève attentif aux leçons de ton maître, tu t’es cru mon père, lui dis-je ; tu m’as appelé ton fils bien-aimé et ton Benjamin, tu as fait de la poésie, de l’éloquence biblique. Je t’ai écouté comme dans un rêve dont la grandeur et la pureté céleste charmeront toujours mes souvenirs. Mais on ne peut pas rêver toujours. La vie réelle appelle des conclusions sans lesquelles on chante comme une lyre, sans avancer le règne de Dieu et le bonheur des hommes. Moi, je place ce bonheur dans la sagesse plus que dans l’action. Je ne veux rien, je ne demande rien dans la vie, que le moyen de croire en Dieu et d’aimer mes semblables. J’étais malade, j’étais misanthrope ; tu t’es fais fort de me guérir ; tu m’as beaucoup attendrie, j’en conviens. Tu as combattu rudement