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sociale et anti-humaine dont il m’avait régalée, je me sentis tomber du ciel en terre, et que, haussant les épaules, à mon réveil, je repris ma résolution de m’en aller chercher des fleurs et des papillons en Égypte ou en Perse.

Sans trop réfléchir ni m’émouvoir, j’obéis à l’instinct qui me poussait vers la solitude, et j’allai chercher mon passeport pour l’étranger. En rentrant, je trouvai chez moi Éverard qui m’attendait. « Qu’est-ce qu’il y a ? s’écria-t-il. Ce n’est pas la figure sereine que je connais ? — C’est une figure de voyageur, lui répondis-je, et il y a que je m’en vas décidément. Ne te fâche pas ; tu n’es pas de ceux avec qui on est poli par hypocrisie de convenance. J’ai assez de vos républiques. Vous en avez tous une qui n’est pas la mienne et qui n’est celle d’aucun des autres. Vous ne ferez rien cette fois-ci. Je reviendrai vous applaudir et vous couronner dans un meilleur temps, quand vous aurez usé vos utopies, et rassemblé des idées saines. »

L’explication fut orageuse. Il me reprocha ma légèreté d’esprit et ma sécheresse de cœur. Poussée à bout par ses reproches je me résumai.

Quelle était cette folle volonté de dominer mes convictions et de m’imposer celles d’autrui ? Pourquoi, comment avait-il pu prendre à ce point au pied de la lettre l’hommage que mon intelligence avait rendu à la sienne en l’écoutant sans discussion et en l’admirant sans réserve ?