Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/425

Cette page n’a pas encore été corrigée

et j’avais dit : « Je ne boirai pas cette eau. »

Il est probable que j’eusse continué à ne pas vouloir mêler ma vie intérieure à l’agitation de ces flots amers. Sainte-Beuve, qui m’influençait encore un peu à cette époque par ses adroites railleries et ses raisonnables avertissemens, regardait les choses positives en amateur et en critique. La critique dans sa bouche avait de grandes séductions pour la partie la plus raisonneuse et la plus tranquille de l’esprit. Il raillait agréablement cette fusion subite qui s’opérait entre les esprits les plus divers venus de tous les points de l’horizon et qui se mêlaient, disait-il, comme tous les cercles du Dante écrasés subitement en un seul.

Un dîner où Liszt avait réuni M. Lamennais, M. Ballanche, le chanteur Nourrit et moi, lui paraissait la chose la plus fantastique qui se pût imaginer. Il me demandait ce qui avait pu être dit entre ces cinq personnes. Je lui répondais que je n’en savais rien, que M. Lamennais avait dû causer avec M. Ballanche, Liszt avec Nourrit, et moi avec le chat de la maison.

Et pourtant, relisons aujourd’hui cette admirable page de Louis Blanc :

« Et comment peindre maintenant l’effet que produisaient sur les esprits tant de surprenantes complications ? Le nom des accusés volait de bouche en bouche ; on s’intéressait à leurs périls ; on glorifiait leur constance ; on se demandait