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Il ne s’agissait que de cela ! C’était quelque chose, pourtant ! Maintenant que les idées ont dépassé cette farouche doctrine, elle fait déjà sourire les hommes avancés ; mais elle a eu son temps dans le monde, elle a soulevé la Bohême au nom de Jean Hus, elle a dominé souvent l’idéal de Jean-Jacques Rousseau, elle a bouleversé bien des imaginations à travers les tempêtes de la révolution du dernier siècle, et même encore, à travers les agitations intellectuelles de 1848, elle s’est fondue en partie dans l’esprit de certains clubs de cette époque avec les théories de certaines dictatures. En un mot, elle a fait secte, et comme, dans toute doctrine de rénovation, il y a de grandes lueurs de vérité et de touchantes aspirations vers l’idéal, elle a mérité l’examen, elle a exercé sa part de séduction en se formulant au pied de l’échafaud où montèrent, déjà frappés de leur propre main, l’enthousiaste Gracchus et le stoïque Darthé.

Emmanuel Arago, plaidant pour Barbès en 1839, a dit Barbès est babouviste. Il ne m’a pas semblé depuis, en causant avec Barbès, qu’il eût jamais été babouviste dans le sens où l’avait été Éverard en 1835. On se trompe aisément quand, pour exposer la croyance d’un homme, on est obligé, pour la résumer et la définir, de l’assimiler à celle d’un homme qui l’a précédé. On ne peut pas être, quoi qu’on fasse, dans l’exacte vérité. Toute doctrine se transforme rapidement dans