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imprimer un mouvement de recul à l’aristocratie et lui poser une digue difficile à franchir. La partie fut mal jouée par les démocrates. C’est à eux que le mouvement de recul fut imprimé, c’est devant eux que la digue fut posée.

Au premier abord, il semblait pourtant que cette réunion de talens appelés de tous les coins du pays et représentant tous les types de l’intelligence des provinces dût produire une résistance vigoureuse. C’était, dans les rêves du départ, la formation d’un corps d’élite, d’un petit bataillon sacré impossible à entamer, parce qu’il présentait une masse parfaitement homogène. Il s’agissait de parler et de protester, et presque tous les combattans de la démocratie appelés dans la lice étaient des orateurs brillans ou des argumentateurs habiles.

Mais on oubliait que les avocats les plus sérieux sont, avant tout, des artistes, et que les artistes n’existent qu’à la condition de s’entendre sur certaines règles de forme, et de différer essentiellement les uns des autres par le fond de la pensée, par l’illumination intérieure, par l’inspiration.

On se croyait bien d’accord au début sur la conclusion politique, mais chacun comptait sur ses propres moyens ; on pliera difficilement des artistes à la discipline, à la charge en douze temps.

Le moment commençait à poindre où les