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par la fièvre de l’impatience de s’exprimer ; mais quand on avait lu le premier mot, tout le reste allait de soi-même. C’était un style aussi concis que sa parole était abondante, et comme il m’écrivait de très longues lettres, elles étaient si pleines de choses non développées, qu’il y en avait pour tout un jour à les méditer après les avoir lues.

Ces lettres se succédèrent avec rapidité sans attendre les réponses. Cet ardent esprit avait résolu de s’emparer du mien ; toutes ses facultés étaient tendues vers ce but. La décision brusque et la délicate persuasion, qui étaient les deux élémens de son talent extraordinaire, s’aidaient l’une l’autre pour franchir tous les obstacles de la méfiance par des élans chaleureux et par des ménagemens exquis. Si bien que cette manière impérieuse et inusitée de fouler aux pieds les habitudes de la convenance, de se poser en dominateur de l’âme et en apôtre inspiré d’une croyance, ne laissait aucune prise à la raillerie, et ne tombait pas un seul instant dans le ridicule, tant il y avait de modestie personnelle, d’humilité religieuse et de respectueuse tendresse dans ses cris de colère comme dans ses cris de douleur.

« Je sais bien, »

me disait-il — après des élans de lyrisme où le tutoiement arrivait de bonne grâce —

« que le mal de ton intelligence vient de quelque grande peine de cœur. L’amour