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notable que j’apportais, sans le savoir, à l’existence morale d’Éverard et à ses relations avec quelques-uns de ses amis. Ce fut une douceur réelle dans sa vie, mais fût-ce un bien réel ? Il n’est bon pour personne d’être trop aveuglement aimé.

Après quelques heures de sommeil, je retrouvai mon Gaulois (Fleury) singulièrement tourmenté. Il avait fait un rêve effrayant, et je fus presque effrayée moi-même en le lui entendant raconter : car, à peu de chose près, j’avais eu le même rêve. C’était une parole dite en riant par Éverard qui s’était logée, on ne sait jamais comment cela arrive, dans un coin de notre cervelle, et précisément celle qui nous avait le moins frappés dans le moment où elle avait été dite.

Il n’y avait rien de plus naturel et de plus explicable que ce fait d’une parole éveillant la même pensée, et que la même cause produisant dans l’imagination de mon ami et dans la mienne les mêmes effets. Pourtant, cette coïncidence d’images simultanées dans le cours des mêmes heures nous frappa un instant tous les deux, et peu s’en fallut que nous n’y vissions un pressentiment ou un avertissement à la manière des croyances antiques.

Mais nous ne songeâmes bientôt qu’à rire de notre préoccupation et surtout du mouvement naïf que j’avais provoqué chez Éverard par ma résistance enjouée aux argumens humanitaires