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de sa poche trois ou quatre foulards qu’il nouait au hasard les uns sur les autres, qu’il faisait tomber en gesticulant, qu’il ramassait et remettait avec distraction, se coiffant ainsi, sans le savoir, de la manière tantôt la plus fantastique et tantôt la plus pittoresque.

Sous cet accoutrement, on apercevait une chemise fine, toujours blanche et fraîche, qui trahissait la secrète exquisité de ce paysan du Danube. Certains démocrates de province blâmaient ce sybaritisme caché et ce soin extrême de la personne. Ils avaient grand tort. La propreté est un indice et une preuve de sociabilité et de déférence pour nos semblables, et il ne faut pas qu’on proscrive la propreté raffinée, car il n’y a pas de demi-propreté. L’abandon de soi-même, la mauvaise odeur, les dents répugnantes à voir, les cheveux sales, sont des habitudes malséantes qu’on aurait tort d’accorder aux savans, aux artistes ou aux patriotes. On devrait les en reprendre d’autant plus, et ils devraient se les permettre d’autant moins, que le charme de leur commerce ou l’excellence de leurs idées attire davantage, et qu’il n’est point de si belle parole qui ne perde de son prix quand elle sort d’une bouche qui vous donne des nausées. Enfin, je me persuade que la négligence du corps doit avoir dans celle de l’esprit quelque point de correspondance dont les observateurs devraient toujours se méfier.