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fus conduite comme je pouvais l’être, par une influence du sentiment. C’est donc une histoire de sentiment, c’est trois ans de ma vie que j’ai à raconter.

Revenue à Nohant en septembre, retournée à Paris à la fin des vacances avec mes enfans, je revins encore, en janvier 1835, passer quelques jours sous mon toit. C’est là que j’écrivis le second numéro des Lettres d’un voyageur dans une disposition un peu moins sombre, mais encore très triste. Enfin, je passai février et mars à Paris, et en avril j’étais de nouveau à Nohant.

Ces allées et ces venues me fatiguaient le corps et l’âme. Je n’étais bien nulle part. Il y avait pourtant du bon dans mon âme, ces lettres désolées me le prouvent bien aujourd’hui ; mais tout en me débattant pour retourner aux douceurs de ma vie de Nohant, j’y trouvais de tels ennuis, et, d’autre part, mon cœur était si troublé, si déchiré par des chagrins secrets, que j’éprouvai tout à coup le besoin de m’en aller. Où ? Je n’en savais rien, je ne voulais pas le savoir. Il me fallait aller loin, le plus loin possible, me faire oublier en oubliant moi-même. Je me sentais malade, mortellement malade. Je n’avais plus du tout de sommeil, et, par momens, il me semblait que ma raison était prête à me quitter. Je m’étais fait un riant espoir d’avoir ma fille avec moi ; mais je dus renoncer, pour le moment, au plaisir de l’élever moi-même. C’était une