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tromper. »

Il levait les épaules et n’en tenait compte.

Au printemps de 1825 nous retournâmes à Nohant, et trois mois s’écoulèrent sans que Deschartres me donnât de ses nouvelles. Etonnée de voir mes lettres sans réponse, et ne pouvant m’adresser à mon beau-père, qui avait quitté Paris, j’envoyai aux informations à la place Royale.

Le pauvre Deschartres était mort. Toute sa petite fortune avait été risquée et perdue dans des entreprises malheureuses. Il avait gardé un silence complet jusqu’à sa dernière heure. Personne n’avait rien su et personne ne l’avait vu, lui, depuis assez longtemps. Il avait légué son mobilier et ses effets à une blanchisseuse qui l’avait soigné avec dévoûment. Du reste, pas un mot de souvenir, pas une plainte, pas un appel, pas un adieu à personne. Il avait disparu tout entier, emportant le secret de son ambition déçue ou de sa confiance trahie ; calme probablement, car, en tout ce qui touchait à lui seul, dans les souffrances physiques, comme dans les revers de fortune, c’était un véritable stoïcien.

Cette mort m’affecta plus que je ne voulus le dire. Si j’avais éprouvé d’abord une sorte de soulagement involontaire à être délivrée de son dogmatisme fatigant, j’avais déjà bien senti qu’avec lui j’avais perdu la présence d’un cœur dévoué et le commerce d’un esprit remarquable à beaucoup d’égards. Mon frère, qui l’avait haï