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était poignant dans mon cœur, mais l’importance absolue. Pour avoir été déçue dans quelques illusions, je faisais le procès à toutes mes croyances ; pour avoir perdu le calme et la confiance de mes pensées d’autrefois, je me persuadais ne pouvoir plus vivre.

La vraie cause, je la vois très clairement aujourd’hui. Elle était physique et morale, comme toutes les causes de la souffrance humaine, où l’âme n’est pas longtemps malade sans que le corps s’en ressente, et réciproquement. Le corps souffrait d’un commencement d’hépatite qui s’est manifestée clairement plus tard et qui a pu être combattue à temps. Je la combats encore, car l’ennemi est en moi et se fait sentir au moment où je le crois endormi. Je crois que ce mal est proprement le spleen des Anglais, causé par un engorgement du foie. J’en avais le germe ou la prédisposition sans le savoir ; ma mère l’avait et en est morte. Je dois en mourir comme elle, et nous devons tous mourir de quelque mal que l’on porte en soi-même, à l’état latent, dès l’heure de sa naissance. Toute organisation, si heureuse qu’elle soit, est pourvue de sa cause de destruction, soit physique et devant agir sur le système moral et intellectuel, soit morale et devant agir sur les fonctions de l’organisme.

Que ce soit la bile qui m’ait rendue mélancolique, ou la mélancolie qui m’ait rendue bilieuse (ceci résoudrait un grand problème métaphysique