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pas ce qu’elle fait ; c’est parce qu’elle n’a pas, comme l’épouse légitime et la mère de famille, la conscience du crime qu’elle commet.

Balzac, qui cherchait et osait tout, a été plus loin : il nous a montré, dans un autre roman, une femme provoquant et séduisant son mari qu’elle n’aime pas, pour le préserver des piéges d’une autre femme. Il s’est efforcé de relever la honte de cette action en donnant à cette héroïne une fille dont elle veut conserver la fortune. Ainsi, c’est l’amour maternel surtout qui la pousse à tromper son mari par quelque chose de pire peut-être qu’une infidélité, par un mensonge de la bouche, du cœur et des sens.

Je n’ai pas caché à Balzac que cette histoire, dont il disait le fond réel, me révoltait au point de me rendre insensible au talent qu’il avait déployé en la racontant. Je la trouvais immorale sans me gêner, moi à qui l’on reprochait d’avoir fait des livres immoraux.

Et, à mesure que j’ai interrogé mon cœur, ma conscience et ma religion, je suis devenue encore plus rigide dans ma manière de voir. Non seulement je regarde comme un péché mortel (il me plaît de me servir de ce mot, qui exprime bien ma pensée, parce qu’il dit que certaines fautes tuent notre âme) ; je regarde comme un péché mortel non seulement le mensonge des sens dans l’amour, mais encore l’illusion que les sens chercheraient à se faire dans les amours