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Un de mes amis, Dutheil, qui eût voulu rendre possible la durée de cette situation, me disait que je pouvais m’en rendre maîtresse.

Je lui fis comprendre qu’il se trompait, car son cerveau arrivait aisément à la compréhension de ce qu’il traitait, dans la pratique, de raffinemens et de subtilités romanesques.

« L’amour n’est pas un calcul de pure volonté, lui disais-je. Nous ne sommes pas seulement corps, ou seulement esprit ; nous sommes corps et esprit tout ensemble. Là où l’un de ces agens de la vie ne participe pas, il n’y a pas d’amour vrai.

« Si le corps a des fonctions dont l’âme n’a point à se mêler, comme de manger et de digérer[1], l’union de deux êtres dans l’amour peut-il s’assimiler à ces fonctions-là ? La seule pensée en est révoltante. Dieu, qui a mis le plaisir et la volupté dans les embrassemens de toutes les créatures, même dans ceux des plantes, n’a-t-il pas donné le discernement à ces créatures en proportion de leur degré de perfectionnement dans l’échelle des êtres ? L’homme, étant le plus élevé, le plus complet de tous, n’a-t-il pas le sentiment ou le rêve de cette union nécessaire du sens physique et du sens intellectuel et moral dans la possession ou dans l’aspiration de ses jouissances ? »

  1. Et encore les vrais gourmands jouissent par l’imagination plus que par le sens, disent-ils.