Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/355

Cette page n’a pas encore été corrigée

la critique, acceptée contre son gré, dans un jour d’incertitude ou de découragement.

« Honte et malheur à moi, dit-il, si je ne puis jamais accepter ou remplir un rôle plus glorieux et plus élevé ! »

Ces plaintes étaient injustes, ce point de vue était faux. Le rôle de critique, bien compris, est un rôle tout aussi grand que celui de créateur, et de grands esprits philosophiques n’ont pas fait autre chose que la critique des idées et des préjugés de leur temps. Cela a bien suffi non-seulement à leur gloire, mais encore aux progrès de leur siècle, car toute œuvre de perfectionnement se compose de deux actes également importans de la volonté humaine, renverser et réédifier. On prétend que l’un est plus malaisé que l’autre ; mais si l’on rebâtit difficilement et souvent fort mal, ne serait-ce pas que l’on commence toujours à fonder sur des ruines, et que si ces ruines servent encore de base à nos édifices mal assurés, c’est que le travail de la démolition, de la critique, n’a pas été assez complet et assez profond ? D’où il résulte que l’un est aussi rare et aussi difficile que l’autre.

Gustave Planche, en avançant en âge et en réfléchissant mieux, comprit sans doute qu’il s’était trompé en méprisant sa vocation, car il la continua et fit bien, non pour son bonheur, ni pour le plus grand plaisir de ses adversaires, mais pour le progrès de l’éducation du goût public,