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Quoi qu’il en soit, il a montré un grand courage moral : si grand, qu’il y en a à le dire et à défendre l’homme, son talent et sa droiture contre les inimitiés que lui a attirées le ton acerbe de sa critique.

Lui-même, dès ses premiers pas dans la carrière, a posé sa doctrine avec la rigueur d’un esprit absolu. Mais, dur à lui-même encore plus qu’aux autres, il s’écrie :

« C’est un abîme (la critique sévère) qui s’ouvre devant vous. Parfois il vous prend des éblouissemens et des vertiges. De questions en questions, on arrive à une question dernière et insoluble, le doute universel. Or, c’est tout simplement la plus douloureuse de toutes les pensées. Je n’en connais pas de plus décourageante, de plus voisine du désespoir…… C’est une œuvre mesquine (toujours la critique) et qui ne mérite pas même le nom d’œuvre. C’est une oisiveté officielle, un perpétuel et volontaire loisir ; c’est la raillerie douloureuse de l’impuissance, le râle de la stérilité ; c’est un cri d’enfer et d’agonie[1]. »

Tout le reste du chapitre est aussi curieux et même de plus en plus curieux. C’est la confession, non pas ingénue et irréfléchie, mais volontaire et comme désespérée, d’un jeune homme ambitieux de produire quelque chose de grand, qui s’agite dans le collier de misère de

  1. Salon de 1831, par M. Gustave Planche. Paris, 1831.