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envers l’humaine faiblesse, et si l’on pouvait exprimer l’aspiration infinie, elle cesserait peut-être aussitôt d’exister.

Le hasard d’un portrait que Buloz fit graver pour mettre en tête d’une de mes éditions me fit connaître Calamatta, graveur habile et déjà estimé, qui vivait pauvrement et dignement avec un autre graveur italien, Mercuri, à qui l’on doit, entre autres, la précieuse petite gravure des Moissonneurs de Léopold Robert. Ces deux artistes étaient liés par une noble et fraternelle amitié. Je ne fis que voir et saluer Mercuri, dont le caractère timide ne pouvait guère se communiquer à ma propre timidité. Calamatta, plus Italien dans ses manières, c’est-à-dire plus confiant et plus expansif, me fut vite sympathique, et, peu à peu, notre mutuelle amitié s’établit pour toute la vie.

J’ai rencontré en vérité peu d’amis aussi fidèles, aussi délicats dans leur sollicitude et aussi soutenus dans l’agréable et saine durée des relations. Quand on peut dire d’un homme qu’il est un ami sûr, on dit de lui une grande chose, car il est rare de rencontrer chez une personne aimable et enjouée aucune légèreté, et chez une personne sérieuse aucune pédanterie. Calamatta, aimable compagnon dans le rire et dans le mouvement de la vie d’artiste, est un esprit sérieux, recueilli et juste, que l’on trouve toujours dans une bonne et sage voie d’appréciation des choses