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dans certaines détresses de mon âme et de mon esprit, je regarde comme un devoir de le compter parmi mes éducateurs et bienfaiteurs intellectuels.

Sa manière littéraire ne m’a pourtant pas servi de type, et dans des momens où ma pensée éprouvait le besoin d’une expression plus hardie, sa forme délicate et adroite m’a paru plus propre à m’empêtrer qu’à me dégager. Mais quand les heures de fièvre sont passées, on revient à cette forme un peu vanlotée, comme on revient à Vanloo lui-même ; pour en reconnaître la vraie force et la vraie beauté à travers le caprice de l’individualité et le cachet de l’école, sous ces miévreries souriantes de la recherche, il y a, quand même, le génie du maître. Comme poète et comme critique, Sainte-Beuve est un maître aussi. Sa pensée est souvent complexe, ce qui la rend un peu obscure au premier abord ; mais les choses qui ont une conscience réelle valent qu’on les relise, et la clarté est vive au fond de cette apparente obscurité. Le défaut de cet écrivain est un excès de qualités. Il sait tant, il comprend si bien, il voit et devine tant de choses, son goût est si abondant et son objet le saisit par tant de côtés à la fois, que la langue doit lui paraître insuffisante et le cadre toujours trop étroit pour le tableau.

À mes yeux, il était dominé par une contradiction nuisible, je ne dirai pas à son talent, il