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J’allais m’asseoir dans la classe, et sur ces bancs froids, au milieu de ces pupitres enfumés, je voyais rire les pensionnaires en récréation. Quelques-unes de mes anciennes compagnes étaient encore là, mais il fallut qu’on me les nommât, tant elles avaient déjà grandi et changé. Elles étaient curieuses de mon existence, elles enviaient ma libération tandis que je n’étais occupée intérieurement qu’à ressaisir les mille souvenirs que me retraçaient le moindre coin de cette classe, le moindre chiffre écrit sur la muraille, la moindre écornure du poêle ou des tables.

Ma chère bonne mère Alicia ne m’encourageait pas plus que par le passé à me nourrir de vains rêves.

« Vous avez un charmant enfant, disait-elle, c’est tout ce qu’il faut pour votre bonheur en ce monde. La vie est courte. »

Oui, la vie paisible est courte. Cinquante ans passent comme un jour dans le sommeil de l’âme ; mais la vie d’émotions et d’événemens résume en un jour des siècles de malaise et de fatigue.

Pourtant, ce qu’elle me disait du bonheur d’être mère, bonheur qu’elle ne se permettait pas de regretter, mais qu’elle eût vivement savouré, on le voyait bien, répondait à un de mes plus intimes instincts. Je ne comprenais pas comment j’aurais pu me résigner à perdre Maurice, et, tout en aspirant malgré moi à ne pas sortir du couvent, je le cherchais autour de moi à chaque pas que j’y faisais. Je demandai de le prendre