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ses théories, indulgent jusqu’à la gâterie dans la pratique des affections. J’ai pleuré sa mort, non pas seulement par respect et par attendrissement, mais par égoïsme de cœur. Il nous avait pourtant dit cent fois à tous qu’il ne fallait pas pleurer les morts, mais bien plutôt remercier Dieu de les avoir appelés à lui, et pousser le dévouement au-delà de la tombe, jusqu’à se réjouir de les savoir en possession de leur récompense. Il avait raison, mais les entrailles ne raisonnent pas, et si je l’ai amèrement regretté, c’est sa faute. Il s’était rendu trop nécessaire à moi. Je voyais en lui un refuge contre tous les découragemens et toutes les langueurs de la volonté, une loi vivante du devoir avec les suavités de la prédication enthousiaste et ces douceurs de la sollicitude paternelle qui pénètrent et consolent. Les saints farouches et ascétiques frappent l’imagination ou éveillent l’orgueil qu’on appelle émulation. Ils n’agissent donc que sur de nobles orgueilleux de leur trempe. Les saints doux et tendres attirent davantage, et, pour mon compte, je n’aime que ceux-ci.

J’aurai à reparler de Gaubert et du bon frère qui lui a survécu, dans la suite de mon histoire.