Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/337

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui éclairaient la figure pâle de mon bon Gaubert. Ils ne sont ni remarqués ni admirés dans le monde. Ils ne brillent nulle part, ni sur des chevaux rapides, ni aux avant-scènes des théâtres, ni dans les salons, ni dans les académies, ni dans le forum, ni dans les cénacles. S’ils eussent vécu sous Tibère, ils n’eussent brillé qu’aux arènes, en qualité de martyrs, comme tant d’autres fidèles serviteurs de Dieu, dont on n’eût jamais entendu parler si l’occasion d’un grand acte de foi ne se fût rencontrée pour envoyer aux archives du ciel les noms sacrés de ces victimes obscures, la splendeur de ces vertus ignorées.

Des saints et des anges ! Oui, à mes yeux, Gaubert était un saint et Richard un ange. Celui-ci paisible et nageant sans trouble et sans effroi dans son rayonnement intérieur ; celui-là, plus agité, plus impatient, exhalant de brûlantes indignations contre la folie ou la perversité qu’il comprenait d’autant moins qu’il les étudiait davantage.

Gaubert m’inspirait une tendresse véritable, parce qu’il l’éprouvait pour moi. Quoiqu’il n’eût qu’une dizaine d’années de plus que moi, sa tête chauve, ses joues creuses, sa débile santé et, plus que tout cela, l’austérité naïve de sa vie et de ses idées, le vieillissaient de vingt ans à mes yeux et à ceux de ses autres amis. C’était le type du vertueux et tendre père, sévère et absolu dans