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employer les peintres vulgaires ; c’est son style seul qui le soutient dans les régions du sublime et nous y emporte avec lui.

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Le Christ de Michel-Ange n’est ni un philosophe ni un héros de roman. C’est Dieu lui-même dont le bras va réduire en poudre l’univers. Il faut à Michel-Ange, il faut au peintre des formes, des contrastes, des ombres, des lumières sur des corps charnus et mouvans. Le jugement dernier, c’est la fête de la chair ; aussi comme on la voit courir déjà sur les os de ces pâles ressuscités, au moment où la trompette entr’ouvre leur tombe et les arrache au sommeil des siècles ! Dans quelle variété de poétiques attitudes ils entr’ouvrent leurs paupières à la lueur de ce sinistre et dernier jour qui secoue pour jamais la lumière du sépulcre et pénètre jusqu’aux entrailles de cette terre où la mort a entassé ses victimes ! Quelques-uns soulèvent avec effort la couche épaisse sous laquelle ils ont dormi si longtemps ; d’autres, dégagés déjà de leur fardeau, restent là étendus et comme étonnés d’eux-mêmes. Plus loin, la barque vengeresse emporte la foule des réprouvés. Caron se tient là, battant de son aviron les âmes paresseuses : qualunque s’adagia ! »

Qui donc a écrit ces belles pages ? Ne semble-t-il pas qu’on entende Michel-Ange lui-même parler de son œuvre et en expliquer la pensée ? Ce langage si grand et si ferme qu’il ne semble