Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/319

Cette page n’a pas encore été corrigée

« Le style de Michel-Ange, dit-il, semble le seul qui soit parfaitement approprié à un pareil sujet. L’espèce de convention qui est particulière à ce style, ce parti tranché de fuir toute trivialité au risque de tomber dans l’enflure et d’aller jusqu’à l’impossible, se trouvaient à leur place dans la peinture d’une scène qui nous transporte dans une sphère tout idéale. Il est si vrai que notre esprit va toujours au-delà de ce que l’art peut exprimer en ce genre, que la poésie elle-même, qui semble si immatérielle dans ses moyens d’expression, ne nous donne jamais qu’une idée trop définie de semblables inventions. Quand l’Apocalypse de saint Jean nous peint les dernières convulsions de la nature, les montagnes qui s’écroulent, les étoiles qui tombent de la voûte céleste, l’imagination la plus poétique et la plus vaste ne peut s’empêcher de circonscrire dans un champ borné le tableau qui lui est offert. Les comparaisons employées par les poètes sont tirées d’objets matériels qui arrêtent la pensée dans son vol. Michel-Ange, au contraire, avec ses dix ou douze groupes de quelques figures disposées symétriquement et sur une surface que l’œil embrasse sans peine, nous donne une idée incomparablement plus terrible de la catastrophe suprême qui amène aux pieds de son juge le genre humain éperdu ; et cet empire immense qu’il prend à l’instant même sur l’imagination, il ne le doit à aucune des ressources que peuvent