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naturel qu’un type d’artiste comme Delacroix, longtemps étouffé ou combattu par cette décadence de l’art et par cette perversion du goût général, ait réagi, de toute la force de ses instincts, contre le monde moderne. Il a cherché dans tous les obstacles qui l’entouraient des monstres à renverser, et il a cru les trouver souvent dans des idées de progrès dont il n’a senti ou voulu sentir que le côté incomplet ou excessif. C’est une volonté trop exclusive et trop ardente que la sienne pour s’accommoder des choses à l’état d’abstraction. En cela il est, dans l’appréciation des vues sociales, comme était Marie Dorval dans celles des idées religieuses. Il faut à ces fortes imaginations un terrain solide pour édifier le monde de leurs pensées. Il ne faut pas leur parler d’attendre que la lumière soit faite. Elles ont horreur du vague, elles veulent le grand jour. C’est tout simple : elles sont jour et lumière elles-mêmes.

Il ne faut donc pas espérer de les calmer en leur disant que la certitude est et sera toujours en dehors des faits du monde où l’on vit, et que la foi à l’avenir ne doit pas s’embarrasser du spectacle des choses présentes. Ces yeux perçans voient souvent les hommes d’avenir faire fatalement des mouvemens rétrogrades, et, dès lors, ils jugent que la philosophie du siècle marche à reculons.

C’est ici le lieu de dire que notre philosophie,