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ceux qui vous connaissent ; mais à qui dirai-je ce que je souffre, si ce n’est à vous ?

« Ne viendrez-vous donc pas à Paris voir votre pièce ? Et nous ! — ne nous cherchez plus rue de Varennes. Oh non ! nous avons fui cette maison maudite. Nous y serions tous morts. Les portes, les corridors, les bruits de l’escalier, tout cela nous faisait frissonner à toute heure. Les cris de la rue venaient tous les matins, à heure fixe, nous rappeler qu’à telle heure elle disait cela. Enfin de ces riens qui tuent ! Nous avons traîné ailleurs notre profonde tristesse… Caroline vous embrasse tendrement ; la pauvre enfant est désolée aussi. Ma tendresse pour elle augmente chaque jour. Elle mérite tant d’être heureuse, celle-là !

« RÉNÉ LUGUET. »

C’est ainsi que fut aimée, c’est ainsi que fut pleurée Marie Dorval. Son mari, M. Merle, était déjà tombé dans un état de langueur suivi de paralysie. Aimable et bon, mais profondément personnel, il trouva tout simple de rester, lui, ses infirmités affreuses et ses dettes intarissables à la charge de Luguet et de Caroline, auxquels il n’était rien, sinon un devoir légué par Mme Dorval, devoir qu’ils accomplirent jusqu’au bout, en dépit des vicissitudes de la vie d’artiste et des mauvais jours qu’ils eurent à traverser, tant leur fut chère et sacrée la pensée de continuer la tâche de dévouement qui leur était léguée par elle.