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m’étais évanoui. Il fallait prendre un parti, et, bien que les médecins eussent prédit la mort en cas de voyage, comme je voyais la mort arriver rapidement et qu’elle appelait Paris, sa fille et sa petite Marie avec un accent qui me fait encore frissonner…… je demandai à Dieu un miracle, je retins le coupé de la diligence, je levai et je me mis à habiller moi-même cette créature adorée, qui se laissait faire, comme si j’avais été sa mère. Je la descendis dans mes bras, et une heure après, nous partions pour Paris tous deux mourans, elle de son mal, moi de mon désespoir.

« Deux heures plus tard, par une tempête affreuse nous versions : mais c’est à peine si nous nous en sommes aperçus. Tout nous était si égal !

« Enfin, le lendemain, elle était dans sa chambre, au milieu de nous tous. Dieu merci, elle était vivante ; mais le mal, que le voyage avait engourdi, reprit son empire, et le 20 mai, à une heure, elle nous dit : Je meurs, mais je suis résignée ! ma fille, ma bonne fille, adieu… Luguet… sublime… Ce furent ses dernières paroles. Puis son dernier soupir s’est exhalé à travers un sourire. Oh ! ce sourire, il flamboie toujours devant mes yeux, et j’ai besoin de regarder bien vite mes enfans et ma chère Caroline pour accepter la vie !

« Chère madame Sand, j’ai le cœur meurtri. Votre lettre a ravivé toutes mes tortures. Cette adorable Marie ! vous avez été son dernier poète.