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qui me les donna dans une admirable lettre dont je suis forcée de supprimer la moitié. On verra pourquoi.

« Chère madame Sand,

« Oh ! vous avez raison, c’est pour nous un grand malheur, si grand, voyez vous, que c’en est fait pour nous de toute joie sur la terre. Pour mon compte, j’ai tout perdu, une amie, un compagnon d’infortune, une mère ! ma mère intellectuelle, la mère de mon âme, celle qui donna l’essor à mon cœur, celle qui me fit artiste, qui me fit homme et qui m’en apprit les devoirs, celle qui me fit loyal et courageux, qui me donna le sentiment du beau, du vrai, du grand. — De plus, elle chérissait ma chère Caroline, elle adorait nos enfans. Elle en est morte ! jugez, jugez si je la pleure.

« Chère madame, vous qu’elle a tant aimée, vous qu’elle vénérait, laissez moi vous raconter une partie de ses souffrances, vous aurez la mesure des miennes.

« Elle est donc morte de chagrin, de découragement. Le dédain, oui ! le dédain l’a tuée !……………………

« Quand la pauvre femme allait de porte en porte demander l’emploi de son talent, de son génie, on ouvrait de grands yeux au nom de Dorval. Le génie ! Il est bien question de cela ! Il lui manquait une ou deux dents, sa robe était