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et son propre effroi, pouvait difficilement résister au passage de l’avalanche. J’étais dans une situation non moins précaire : la crise me surprenait endettée par suite du mariage de ma fille ; d’un côté, on me menaçait d’une saisie sur mon mobilier, de l’autre, les prix du travail se trouvaient réduits de trois quarts, et encore le placement fut-il suspendu pendant quelques mois.

Mais j’étais à peu près insensible aux dangers de cette situation. Les privations du moment ne sont rien, je n’en parle pas. La seule souffrance réelle de ces momens-là, c’est de ne pouvoir s’acquitter immédiatement envers ceux qui réclament leurs créances, et de ne pouvoir assister ceux qui souffrent autour de soi. Mais quand on est soutenu par une croyance sociale, par un espoir impersonnel, les anxiétés personnelles, quelque sérieuses qu’elles soient, s’en trouvent amoindries.

Mme Dorval, qui eût très bien compris et senti les idées générales, mais qui en repoussait vivement l’examen et la préoccupation, ayant assez à souffrir, disait-elle, pour son propre compte, ne voyait que désastres et ne rêvait que catastrophes sanglantes dans la révolution de février. Pauvre femme ! c’était le pressentiment de l’affreuse douleur qui allait frapper sa famille.

Au mois de juin 1848, après ces exécrables journées qui venaient de tuer la république en armant ses enfans les uns contre les autres, et