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font bien assez pour nous quand ils daignent nous sourire.

« Tiens ! me disait-elle en me montrant ce bel enfant, je demandais un saint, un ange, un Dieu, visible pour moi. Dieu me l’a envoyé. Voilà l’innocence, voilà la perfection, voilà la beauté de l’âme dans celle du corps. Voilà celui que j’aime, que je sers et que je prie. L’amour divin est dans une de ses caresses, et je vois le ciel dans ses yeux bleus. »

Cette tendresse immense qui se réveillait en elle plus vive que jamais donna un essor nouveau à son génie. Elle créa le rôle de Marie-Jeanne, et y trouva ces cris qui déchiraient l’âme, ces accens de douleur et de passion qu’on n’entendra plus au théâtre, parce qu’ils ne pouvaient partir que de ce cœur-là et de cette organisation-là, parce que ces cris et ces accens seraient sauvages et grotesques venant de toute autre qu’elle, et qu’il fallait une individualité comme la sienne pour les rendre terrifians et sublimes.

Mais ce fatal rôle et ce profond amour donnaient le coup de la mort à Mme Dorval. Elle fit une affreuse maladie à la suite de ce grand succès et réchappa, comme par miracle, d’une perforation au poumon. Elle s’était effrayée de l’idée de mourir. Georges vivait, elle voulait vivre.

Mme Dorval joua Agnès de Méranie et fit ensuite un essai fort curieux, qui fut de jouer la tragédie classique à l’Odéon. Cela n’était ni dans