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Caroline eut un fils, à qui sa mère donna le nom de Georges ; et cet enfant devint la joie, l’amour suprême de Marie. Il fallait à ce cœur dévoué un être à qui elle pût se donner tout entière, le jour et la nuit, sans repos et sans restriction.

« Mes enfans, disait-elle, prétendent que je les ai moins aimés à mesure qu’ils grandissaient. Cela n’est pas vrai ; mais il est bien certain que je les ai aimés autrement. À mesure qu’ils avaient moins besoin de moi, j’étais moins inquiète d’eux, et c’est cette inquiétude qui fait la passion. Ma fille est heureuse ; je troublerais son bonheur si j’avais l’air d’en douter. C’est son mari maintenant qui est sa mère, c’est lui qui la regarde dormir et qui s’inquiète si elle dort mal. Moi, j’ai besoin d’oublier mon sommeil, mon repos, ma vie pour quelqu’un. Il n’y a que les petits enfans qui soient dignes d’être choyés et couvés ainsi à toute heure. Quand on aime, on devient la mère d’un homme qui se laisse faire sans vous en savoir gré, ou qui ne se laisse pas faire, dans la crainte d’être ridicule. Ces chers innocens que nous berçons et que nous réchauffons sur notre cœur ne sont ni fiers ni ingrats, eux ! Ils ont besoin de nous, ils usent de leur droit qui est de nous rendre esclaves. Nous sommes à eux comme ils sont à nous, tout entiers. Nous souffrons tout d’eux et pour eux, et comme nous ne leur demandons rien que de vivre et d’être heureux, nous trouvons qu’ils