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d’épingle de la réalité présente, trop faibles pour emporter le mal, assez forts pour y ajouter l’impatience et le malaise. Ah ! si j’avais des rentes, ou si mes enfans n’avaient plus besoin de moi, je me reposerais tout à fait ! »

Et comme je lui observais qu’elle se plaignait justement de ne pas savoir devenir calme :

« C’est vrai, me dit-elle, l’ennui me dévore, depuis que je n’ai plus à m’inquiéter. Louise est mariée selon son choix, Caroline a un mari charmant, qu’elle adore. M. Merle, toujours gai et satisfait, pourvu que rien ne fasse un pli dans son bien-être, est, aujourd’hui comme toujours, le calme personnifié ; aimable, facile à vivre, charmant dans son égoïsme. Tout ne va pas mal, sauf cet appartement que vous trouvez si joli, mais qui est sombre et qui me fait l’effet d’un tombeau. »

Et elle se remit à pleurer.

« Tu me caches quelque chose ? lui dis-je. — Non, vrai ! s’écria-t-elle. Tu sais bien que j’ai au contraire le défaut de t’accabler de mes peines, et que c’est à toi que je demande toujours du courage. Mais est-ce que tu ne comprends pas l’ennui ? Un ennui sans cause, car si on la savait, cette cause, on trouverait le remède. Quand je me dis que c’est peut-être l’absence de passions, je sens un tel effroi à l’idée de recommencer ma vie, que j’aime encore mille fois mieux la langueur où je suis tombée. Mais, dans cette espèce de sommeil où