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la jeunesse et la beauté, séductions dont les conséquences, agréables seulement pour l’homme, sont presque toujours funestes pour la femme. Mais quand même les actrices ne sont pas dans une position régulière selon les lois civiles, quand même, je dirai plus, elles sont livrées à leurs plus mauvaises passions, elles sont presque toutes des mères d’une tendresse ineffable et d’un courage héroïque. Les enfans de celles-ci sont même généralement plus heureux que ceux de certaines femmes du monde, ces dernières, ne pouvant et ne voulant pas avouer leurs fautes, cachent et éloignent les fruits de leur amour, et quand, à la faveur du mariage, elles les glissent dans la famille, le moindre doute fait peser la rigueur et l’aversion sur la tête de ces malheureux enfans.

Chez les actrices, faute avouée est réparée. L’opinion de ce monde-là ne flétrit que celles qui abandonnent ou méconnaissent leur progéniture. Que le monde officiel condamne si bon lui semble, les pauvres petits ne se plaindront pas d’être accueillis chez eux par une opinion plus tolérante. Là, vieux et jeunes parens, et même époux légitimes venus après coup, les adoptent sans discussion vaine et les entourent de soins et de caresses. Bâtards ou non, ils sont tous fils de famille, et quand leur mère a du talent, les voilà de suite ennoblis et traités dans leur petit monde comme de petits princes.

Nulle part les liens du sang ne sont plus