Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/275

Cette page n’a pas encore été corrigée

me suis souvenue, en lisant votre lettre, qu’en écrivant la mienne je m’étais sentie véritablement artiste pour la première fois, et que mon enthousiasme était une révélation. Je me suis dit que vous étiez ou seriez artiste aussi ; et puis, je me suis rappelé encore que Mlle Mars, au lieu de me comprendre et de m’appeler, avait été froide et hautaine avec moi ; je n’ai pas voulu faire comme Mlle Mars. »

Elle nous invita à dîner pour le dimanche suivant ; car elle jouait tous les soirs de la semaine, et passait le jour du repos au milieu de sa famille. Elle était mariée avec M. Merle, écrivain distingué, qui avait fait des vaudevilles charmans, le Ci-devant jeune Homme entr’autres, et qui, presque jusqu’à ses derniers jours, a fait le feuilleton de théâtre de la Quotidienne avec esprit, avec goût, et presque toujours avec impartialité. M. Merle avait un fils ; les trois filles de Mme Dorval et quelques vieux amis composaient la réunion intime, où les jeux et les rires des enfans avaient naturellement le dessus.

On ne sait pas assez combien est touchante la vie des artistes de théâtre quand ils ont une vraie famille et qu’ils la prennent au sérieux. Je crois qu’aujourd’hui le plus grand nombre est dans les conditions du devoir ou du bonheur domestique, et qu’il serait bien temps d’en finir absolument avec les préjugés du passe. Les hommes ont plus de moralité dans cette classe que les femmes, et la cause en est dans les séductions qui environnent