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romantique au théâtre, et si elle dut sa gloire aux maîtres dans cet art, ils lui durent, eux aussi, la conquête d’un public qui voulait en voir et qui en vit la personnification dans trois grands artistes, Frédérick Lemaître, Mme Dorval et Bocage.

Mme Dorval créa, en outre, un type à part dans le rôle de Jeanne Vaubernier (Mme Dubarry). Il faut l’avoir vue dans ce rôle, où, exquise de grâce et de charme dans la trivialité, elle résolut une difficulté qui semblait insurmontable.

Mais il faut l’avoir vue dans Marion Delorme, dans Angelo, dans Chatterton, dans Antony, et plus tard dans le drame de Marie-Jeanne, pour savoir quelle passion jalouse, quelle chasteté suave, quelles entrailles de maternité étaient en elle à une égale puissance.

Et pourtant elle avait à lutter contre des défauts naturels. Sa voix était éraillée, sa prononciation grasseyante, et son premier abord sans noblesse et même sans grâce. Elle avait le débit de convention maladroit et gêné, et, trop intelligente pour beaucoup de rôles qu’elle eut à jouer, elle disait souvent :

« Je ne sais aucun moyen de dire juste des choses fausses. Il y a au théâtre des locutions convenues qui ne pourront jamais sortir de ma bouche que de travers, parce qu’elles n’en sont jamais sorties dans la réalité. Je n’ai jamais dit dans un moment de surprise : Que vois-je ! et dans un mouvement d’hésitation : m’égaré-