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avec ardeur, et demandant à Dieu, avec des repentirs et des remords navrans, de lui rendre sa mère, qu’elle s’accusait d’avoir assassinée ; et le tout pour une robe déchirée ou un mouchoir perdu.

Ébranlée ainsi dès l’enfance, la vie d’émotions se développa en elle, intense, inépuisable, et en quelque sorte nécessaire. Comme ces plantes délicates et charmantes que l’on voit pousser, fleurir, mourir et renaître sans cesse, fortement attachées au roc, sous la foudre des cataractes, cette âme exquise, toujours pliée sous le poids des violentes douleurs, s’épanouissait au moindre rayon de soleil, et cherchait avec avidité le souffle de la vie autour d’elle, quelque fugitif, quelque empoisonné parfois qu’il put être. Ennemie de toute prévoyance, elle trouvait dans la force de son imagination et dans l’ardeur de son âme les joies d’un jour, les illusions d’une heure, que devaient suivre les étonnemens naïfs ou les regrets amers. Généreuse, elle oubliait ou pardonnait ; et, se heurtant sans cesse à des chagrins renaissans, à des déceptions nouvelles, elle vivait, elle aimait, elle souffrait toujours.

Tout était passion chez elle, la maternité, l’art, l’amitié, le dévoûment, l’indignation, l’aspiration religieuse ; et comme elle ne savait et ne voulait rien modérer, rien refouler, son existence était d’une plénitude effrayante, d’une agitation au dessus des forces humaines.