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dansant autour de la table avec ses grosses bottes fourrées devint quelque peu grotesque et pas du tout joli.

À Avignon, il nous mena voir la grande église, très bien située, où, dans un coin, un vieux Christ en bois peint, de grandeur naturelle et vraiment hideux, fut pour lui matière aux plus incroyables apostrophes. Il avait en horreur ces repoussans simulacres dont les méridionaux chérissaient, selon lui, la laideur barbare et la nudité cynique. Il avait envie de s’attaquer, à coups de poing, à cette image.

Pour moi, je ne vis pas, avec regret, Bayle prendre le chemin de terre pour gagner Gênes. Il craignait la mer, et mon but était d’arriver vite à Rome. Nous nous séparâmes donc après quelques jours de liaison enjouée ; mais comme le fond de son esprit trahissait le goût, l’habitude ou le rêve de l’obscénité, je confesse que j’avais assez de lui et que s’il eût pris la mer, j’aurais peut-être pris la montagne. C’était, du reste, un homme éminent, d’une sagacité plus ingénieuse que juste en toutes choses appréciées par lui, d’un talent original et véritable, écrivant mal, et disant pourtant de manière à frapper et à intéresser vivement ses lecteurs.

La fièvre me prit à Gênes, circonstance que j’attribuai au froid rigoureux du trajet sur le Rhône, mais qui en était indépendante, puisque, dans la suite, je retrouvai cette fièvre à Gênes