Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/243

Cette page n’a pas encore été corrigée

plainte qui devait avoir un plus grand retentissement. Je n’y songeai pas d’abord. Faisant bon marché de moi-même et de ma propre douleur, je me dis que mon livre serait peu lu et ferait plutôt rire à mes dépens, comme un ramassis de songes creux, qu’il ne ferait rêver aux durs problèmes du doute et de la croyance. Quand je vis qu’il faisait soupirer aussi quelques âmes inquiètes, je me persuadai et je me persuade encore que l’effet de ces sortes de livres est plutôt bon que mauvais, et que, dans un siècle matérialiste, ces ouvrages-là valent mieux que les Contes drôlatiques, bien qu’ils amusent beaucoup moins la masse des lecteurs.

À propos des Contes drôlatiques, qui parurent vers la même époque, j’eus une assez vive discussion avec Balzac, et comme il voulait m’en lire malgré moi des fragmens, je lui jetai presque son livre au nez. Je me souviens que, comme je le traitais de gros indécent, il me traita de prude et sortit en me criant sur l’escalier :

« Vous n’êtes qu’une bête ! »

Mais nous n’en fûmes que meilleurs amis, tant Balzac était véritablement naïf et bon.

Après quelques jours passés dans la forêt de Fontainebleau, je désirai voir l’Italie, dont j’avais soif comme tous les artistes et qui me satisfit dans un sens opposé à celui que j’attendais. Je fus vite fatiguée de voir des tableaux et des monumens. Le froid m’y donna la fièvre, puis la