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de la vie que celles qui nous ont fait un mal réel et durable.

Quel est ce mal ? Je vais vous le dire. Toute douleur lente ou rapide qui nous ôte de forces et nous laisse amoindris est une infortune véritable et dont il n’est guère facile de se consoler jamais. Un vice, un crime moral, une lâcheté, voilà de ces malheurs qui vieillissent tout à coup et qui méritent la pitié qu’on peut avoir envers soi-même et demander aux autres. Il est, dans l’ordre moral, des maladies analogues à celles de la vie physique, en ce qu’elles nous laissent infirmes et à jamais brisés.

Votre corps est-il sans infirmités contractées avant l’âge ? Quelque souffreteux que vous puissiez être, ne vous plaignez pas ; vous vous portez aussi bien qu’une créature humaine peut l’espérer. Ainsi de votre âme. Vous sentez-vous en possession de l’exercice de vos facultés pour le vrai et pour le juste ? Quelles que soient vos crises passagères de découragement ou d’excitation, ne reprochez pas à la destinée de vous avoir éprouvés trop rudement ; vous êtes aussi heureux que l’homme peut aspirer à l’être.

Cette philosophie me paraît bien facile à présent. Se laisser souffrir, puisque la souffrance est inévitable et ne pas la maudire quand elle s’apaise, puisqu’elle ne nous a pas rendus pires ; toute âme honnête peut pratiquer cette humble sagesse pour son compte.