Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/235

Cette page n’a pas encore été corrigée

ne résoudrai probablement jamais. Je vois bien le fait, je le vois dans tous les temps et à propos de toutes les idées : mais je m’étonne que l’horreur de l’inquisition, généralement sentie aujourd’hui, n’ait pas suffi à guérir les hommes de cette rage de persécution réciproque, où il semble que la critique regrette de n’avoir pas le bourreau à sa droite et le bûcher à sa gauche, en procédant à ses réquisitoires.

Je vis ces fureurs avec tristesse, mais avec une certaine tranquillité. Je n’avais pas pour rien amassé dans la solitude un grand dédain pour tout ce qui n’était pas le vrai. Si j’eusse aimé et cherché le monde, je me serais tourmentée probablement de la calomnie qui pouvait momentanément m’en fermer l’accès ; mais, ne cherchant que l’amitié sérieuse et sachant que rien ne pouvait ébranler celles qui m’entouraient, je ne m’aperçus réellement jamais des effets de la méchanceté, et ma tâche fut si facile sous ce rapport que je ne saurais mettre la persécution au nombre des malheurs de ma vie.

D’ailleurs, en toutes choses, les chagrins qui n’ont eu leur effet que sur ma propre existence, je les compte aujourd’hui pour rien. Ce n’est pas que je les aie tous portés avec courage. Non ! J’étais, je suis peut-être encore d’une sensibilité excessive et que la raison ne gouverne pas du tout dans le moment de la crise. Mais j’apprécie les souffrances morales comme je crois