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les inconvenances, les ridicules, les vanités, les folies et les bêtises de toutes sortes qui viennent se faire passer en revue par les malheureux artistes affligés de quelque renommée. Cette importunité délirante n’a qu’un bon résultat, qui est de vous inspirer un vif intérêt et une joyeuse sollicitude pour le talent modeste et vrai qui veut bien se révéler à vous. On est pressé alors de reporter sur lui le bon vouloir que tant d’aberrations et de prétentions vous ont forcé de refouler.

Ainsi, à peine arrivée au résultat que j’avais poursuivi, une double déception m’apparut. Indépendance sous ces deux formes, l’emploi du temps et l’emploi des ressources, voilà ce que je croyais tenir, voilà ce qui se transforma en un esclavage irritant et continuel. En voyant combien mon travail était loin de suffire aux exigences de la misère environnante, je doublai, je triplai, je quadruplai la dose du travail. Il y eut des momens où elle fut excessive, et où je me reprochai les heures de repos et de distraction nécessaires comme une mollesse de l’âme, comme une satisfaction de l’égoïsme. Naturellement absolue dans mes convictions, je fus longtemps gouvernée par la loi de ce travail forcé et de cette aumône sans bornes, comme je l’avais été par l’idée catholique, au temps où je m’interdisais les jeux et la gaîté de l’adolescence pour m’absorber dans la prière et dans la contemplation.