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Quand on a eu la simplicité de se laisser prendre à la première histoire, à la première figure, la bande vous signale comme une proie à exploiter, vous entoure, vous surveille, connaît vos heures de sortie et jusqu’à vos heures de recette. Elle approche d’abord avec discrétion, puis ce sont de nouvelles figures et de nouvelles histoires, des visites plus fréquentes, des lettres où l’on vous avertit que, dans deux heures, si le secours demandé n’arrive pas, on ne trouvera plus au logis désigné qu’un cadavre. Le sort d’Élisa Mercœur et d’Hégésippe Moreau sert désormais de thème et de menace à tous les poètes qui ne rougissent pas de mendier, et qui se disent trop grands hommes pour faire un autre état que de rêver aux étoiles.

Je ne suis pas tellement simple que je sois la dupe de toutes ces misères intéressantes ; mais il en est tant de réelles et d’imméritées que, parmi celles qui demandent, c’est un travail à perdre la tête que de reconnaître les vraies d’avec les fausses. En thèse générale, et l’on peut dire quatre-vingt-dix fois sur cent, ceux qui mendient sont de faux pauvres ou des pauvres infâmes. Ceux qui souffrent réellement, en dépit du courage et de la moralité, aiment mieux mourir que de mendier. Il faut chercher ceux-ci, les découvrir, les tromper souvent pour leur faire accepter l’assistance. Les autres vous assiégent, vous obsèdent, vous menacent.