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et à mes besoins. Hélas ! bientôt je devais soupirer, là comme partout, après le repos et bientôt courir en vain comme Jean-Jacques Rousseau, à la recherche d’une solitude.

Je ne sus pas garder ma liberté, défendre ma porte aux curieux, aux désœuvrés, aux mendians de toute espèce, et bientôt je vis que ni mon temps ni mon argent de l’année ne suffiraient à un jour de cette obsession. Je m’enfermai alors, mais ce fut une lutte incessante, abominable, entre la sonnette, les pourparlers de la servante et le travail dix fois interrompu.

Il y a, à Paris, autour des artistes, une mendicité organisée dont on est longtemps dupe, et dont on continue à être victime ensuite par scrupule de conscience. Ce sont de prétendus vieux artistes dans la misère qui vont de porte en porte avec des souscriptions couvertes de signatures fabriquées : ou bien des artisans sans ouvrage, des mères qui viennent de mettre leur dernière nippe au mont-de-piété pour donner le pain de la journée à leurs enfans : ce sont des comédiens infirmes, des poètes sans éditeurs, de fausses dames de charité. Il y a même de prétendus missionnaires, de soi-disant curés. Tout cela est un ramassis d’infâmes vagabonds échappés du bagne ou dignes d’y entrer. Les meilleurs sont de vieilles bêtes que la vanité, l’absence de talent et finalement l’ivrognerie ont réduits à une misère véritable.