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tard je fus la nourrice de sa sœur. Ma mère fut sa marraine et mon beau-père son parrain.

Deschartres arriva de Nohant tout rempli de ses projets de fortune et tout gourmé dans son antique habit bleu barbeau à boutons d’or. Il avait l’air si provincial dans sa toilette surannée, qu’on se retournait dans les rues pour le regarder. Mais il ne s’en souciait pas et passait dans sa majesté. Il examina Maurice avec attention, le démaillota et le retourna de tous côtés pour s’assurer qu’il n’y avait rien à redresser ou à critiquer. Il ne le caressa pas : je n’ai pas souvenance d’avoir vu une caresse, un baiser de Deschartres à qui que ce soit : mais il le tint endormi sur ses genoux et le considéra longtemps. Puis, la vue de cet enfant l’ayant satisfait, il continua à dire qu’il était temps qu’il vécût pour lui-même.

Je passai l’automne et l’hiver suivans à Nohant, tout occupée de Maurice. Au printemps de 1824, je fus prise d’un grand spleen dont je n’aurais pu dire la cause. Elle était dans tout et dans rien. Nohant était amélioré, mais bouleversé ; la maison avait changé d’habitudes, le jardin avait changé d’aspect. Il y avait plus d’ordre, moins d’abus dans la domesticité ; les appartemens étaient mieux tenus, les allées plus droites, l’enclos plus vaste ; on avait fait du feu avec les arbres morts, on avait tué les vieux chiens infirmes et malpropres, vendu les vieux