Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 10a13 1855 Gerhard.djvu/202

Cette page n’a pas encore été corrigée

demandé à l’amitié de me considérer comme un grand esprit, mais de me traiter comme un cœur loyal. Je ne me rendis qu’à des avances directes, à une demande de service en 1844. Une telle démarche est l’amende la plus honorable qui se puisse exiger, et là je n’hésitai pas une seconde. Je jetai mes deux bras au cou de mon vieux ami, enfant terrible et tendre, qui, dès ce moment, mit un véritable luxe de cœur à me faire oublier le passé.

Un autre chagrin plus profond pour moi fut l’entrée de mon fils au collége. J’avais attendu avec impatience le moment de l’avoir près de moi, et ni lui ni moi ne savions ce que c’est que le collége. Je ne veux pas médire de l’éducation en commun, mais il est des enfans dont le caractère est antipathique à cette règle militaire des lycées, à cette brutalité de la discipline, à cette absence de soins maternels, de poésie extérieure, de recueillement pour l’esprit, de liberté pour la pensée. Mon pauvre Maurice était né artiste, il en avait tous les goûts, il en avait pris avec moi toutes les habitudes, et, sans le savoir encore, il en avait toute l’indépendance. Il se faisait presque une fête d’entrer au collége, et comme tous les enfans, il voyait un plaisir dans un changement de lieu et d’existence. Je le conduisis donc à Henri IV, gai comme un petit pinson, et contente moi-même de le voir si bien disposé. Sainte-Beuve, ami du proviseur, me