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temps après, pleurant son fils aîné, qui venait de mourir dans ses bras. Sa femme, qui est une personne distinguée, Mlle Blaze, m’avait appelée auprès d’elle dans ce moment de douleur suprême. Je leur ai tendu les mains sans me souvenir de la guerre récente, et je ne m’en suis jamais souvenue depuis. Dans toute amitié, quelque troublée et incomplète qu’elle ait pu être, il y a des liens plus forts et plus durables que nos luttes d’intérêt matériel et nos colères d’un jour. Nous croyons détester des gens que nous aimons toujours quand même. Des montagnes de disputes nous séparent d’eux, un mot suffit parfois pour nous faire franchir ces montagnes. Ce mot de Buloz :

« Ah ! George, que je suis malheureux ! »

me fit oublier toutes les questions de chiffres et de procédure. Et lui aussi, en d’autres temps, il m’avait vue pleurer, et il ne m’avait pas raillée. Sollicitée depuis, mainte fois, d’entrer dans des croisades contre Buloz, j’ai refusé carrément, sans m’en vanter à lui, quoique la critique de la Revue des Deux-Mondes continuât à prononcer que j’avais eu beaucoup de talent tant que j’avais travaillé à la Revue des Deux-Mondes, mais que depuis ma rupture, hélas !……. Naïf Buloz ! ça m’est égal !

Ce qui ne me fut pas indifférent, ce fut la subite colère de Delatouche contre moi. La crise annoncée par Balzac éclata un beau matin sans aucun motif apparent. Il haïssait particulièrement Gustave Planche, qui m’avait rendu visite