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savoir où j’allais, sans m’être même rendu compte du problème social que j’abordais. Je n’étais pas saintsimonienne, je ne l’ai jamais été, bien que j’aie eu de vraies sympathies pour quelques idées et quelques personnes de cette secte ; mais je ne les connaissais pas à cette époque, et je ne fus point influencée par elles.

J’avais en moi seulement, comme un sentiment bien net et bien ardent, l’horreur de l’esclavage brutal et bête. Je ne l’avais pas subi, je ne le subissais pas, on le voit par la liberté dont je jouissais et qui ne m’était pas disputée. Donc, Indiana n’était pas mon histoire dévoilée comme on l’a dit. Ce n’était pas une plainte formulée contre un maître particulier. C’était une protestation contre la tyrannie en général, et si je personnifiais cette tyrannie dans un homme, si j’enfermais la lutte dans le cadre d’une existence domestique, c’est que je n’avais pas l’ambition de faire autre chose qu’un roman de mœurs. Voilà pourquoi, dans une préface écrite après le livre, je me défendis de vouloir porter atteinte aux institutions. J’étais fort sincère et ne prétendais pas en savoir plus long que je n’en disais. La critique m’en apprit davantage et me fit mieux examiner la question.

J’écrivis donc ce livre sous l’empire d’une émotion et non d’un système. Cette émotion, lentement amassée dans le cours d’une vie de réflexions, déborda très impétueuse dès que le